Ressources
La boîte à outils de l'éthique - La démarche d'aide à la décision en 4 temps - Hers, centre Ressort

Sources de l'image : Bolly C., (2017), Boîte à outils de l’éthique, Weyrich.

Sources du texte ci-dessous : Cécile Bolly, 2013, Boite à outils de l'éthique, p.2, Mode d'emploi, La Boîte à outils de l'éthique (hers.be)

La démarche d’aide à la décision en 4 temps : le guide d’apprentissage du raisonnement éthique

Historique

Cette démarche est née grâce à une formation en éthique clinique et à l’accompagnement et à la supervision d’équipes soignantes du domicile et de l’hôpital. Elle vise à soutenir les soignants dans l’élaboration d’une décision en situation complexe d’un point de vue éthique, en les aidant à structurer le processus de prise de décision. Elle permet de développer le dialogue et le respect nécessaires à un travail d’équipe et à un travail interprofessionnel.

Elle sert de base aux ateliers d’aide à la décision du groupe GIRAFE : Groupe Interprofessionnel de Recherche, d’Aide à la décision et de Formation en Éthique clinique. Celui-ci s’est formé à la suite du projet RAMPE (Réseau d’Aide en Médecine Palliative Extra-muros), pour répondre à une demande de formation en éthique des soignants. La démarche mise en œuvre s’articule en quatre temps :

1. l’écoute du récit ;

2. l’accueil des émotions et des jugements ;

3. la prise de distance ;

4. le partage du changement.

Elle utilise une grille d’aide à la décision qui s’inspire de grilles bien connues en éthique clinique (en particulier celles de H. Doucet et G. Durand au Québec, celle du Centre d’Ethique Médicale de Lille).

Pistes d’utilisation

À faire

-  prévoir suffisamment de temps (une durée de 2 heures semble un minimum).

-  travailler avec un animateur : il peut par exemple s’agir d’un membre d’un comité d’éthique, ou d’un soignant qui s’est formé en éthique et qui n’est pas directement impliqué dans la situation à analyser.

Rôles de l’animateur et points d’attention :

-  Avant la réunion

•  Veiller à ce que la situation soit mise par écrit et constitue un ensemble de faits, en évitant des commentaires subjectifs (perceptions, interprétations…).

•  Préparer un nombre suffisant d’exemplaires du récit et du plan de la démarche.

-  Pendant le temps 1. L’écoute du récit

•  Rappeler le cadre du secret professionnel partagé.

•  Une fois le récit lu par un soignant, veiller à ce que tous les participants puissent poser des questions factuelles à propos d’éléments qui leur permettent de mieux comprendre la situation. Éviter les réactions subjectives (mises en veilleuse jusqu’au point suivant).

-  Pendant le temps 2. L’accueil des émotions et des jugements

•  Proposer à ceux qui le souhaitent d’exprimer leurs jugements spontanés et leurs émotions. Les inviter à se mettre à l’écoute d’eux-mêmes comme préalable à l’écoute de l’autre.

•  Rester centré sur le vécu de chacun. Éviter, à ce stade, des questions ou réactions analytiques: « je me demande pourquoi…», « je ne comprends pas que…»… •  Garantir une écoute et un respect mutuels.

-  Pendant le temps 3. La prise de distance

•  Répartir les différents participants en sous-groupes.

•  Utiliser la grille en 7 étapes pour les inviter à quitter leur ressenti et à se préparer au raisonnement, pour promouvoir un discernement éthique centré sur une situation singulière.

•  Aider les participants dans la rédaction et l’analyse des scénarios, la recherche de valeurs…

•  Organiser la mise en commun, en permettant aux différents sous-groupes de partager leur travail (en particulier scénarios, valeurs, conséquences, question éthique).

•  Veiller à ce que chacun comprenne au nom de quelles valeurs des scénarios différents des siens pourraient être favorisés.

-  Pendant le temps 4. Le partage du changement

•  Inviter chacun à percevoir la différence entre son vécu actuel et son ressenti tout de suite après la lecture de la situation: promouvoir ainsi la réflexivité des acteurs.

•  Permettre aux participants de comprendre l’équilibre entre le «donner » et le « recevoir » : la recherche de la meilleure décision possible aide chacun à se construire.

À ne pas faire

-  Vouloir faire l’économie d’un des quatre temps, pour en gagner un peu…

-  Vouloir absolument aboutir à une décision, chercher à tout prix un consensus.

Pour aller plus loin

-  La création de cette démarche a fait l’objet d’un livre dans lequel elle est décrite en détail (Bolly et Grandjean, 2004).

-  Une de ses innovations principales réside sans doute dans la place faite à l’accueil des émotions et des jugements des soignants. Au cœur de notre réalité intérieure et dans ce que nous en exprimons, nos émotions tiennent une place importante, parce qu’elles constituent à la fois ce qui témoigne de notre vulnérabilité et ce qui nous amène à y réagir (Delage, 2008). En éthique, chaque soignant doit être sensible à l’existence de son propre vécu s’il veut participer à une démarche qui prenne en compte le vécu du patient et des autres intervenants. C’est assurément à cette condition-là qu’il pourra développer une éthique de l’attention, une attitude de veille, qui engage précisément la responsabilité éthique du professionnel au cœur même de son activité (Benaroyo, 2011). La compétence émotionnelle des soignants doit s’exprimer à travers leur capacité de savoir identifier une émotion, l’accueillir, l’exprimer, la comprendre, la réguler, mais également l’utiliser comme facilitatrice de la pensée et de l’action (Parent, Jouquan, Kerkhove, Jaffrelot et De Ketele, 2012).

-  L’intérêt d’une telle démarche de délibération sur la qualité de vie des soignants a également été décrite (Bolly, 2011).

-  Cette démarche est mise en pratique dans les ateliers d’aide à la décision du groupe GIRAFE, qui ont lieu une fois par trimestre à Libramont (un mercredi soir). Les soignants qui le souhaitent sont les bienvenus à ces ateliers. Il leur est demandé de s’inscrire au préalable via le site www.hers.be (Formation continue).

Bibliographie

Benaroyo L. (2011). Peut-on accepter les progrès en sciences biomédicales sans progrès en éthique? Ves rencontres internationales francophones de bioéthique, Louvain-la-Neuve.

Bolly C., Grandjean V. (2004). L’éthique en chemin. Neufchâteau: Weyrich.

Bolly C. (2011). La mise en œuvre d’une démarche éthique peut-elle influencer la souffrance des soignants ? Psycho-Oncol 5: 98-108 DOI 10.1007/s11839-011-0314-6.Delage M. (2008). La résilience familiale. Paris: Odile Jacob.

Parent, F., Jouquan, J., Kerkhove, L, Jafrelot, M., De Ketele, J-M. (2012) Intégration du concept d’intelligence émotionnelle à la logique de l’approche par compétences dans les curriculums de formation en santé, Pédagogie Médicale

Télécharger le pdf

Contactez-nous